Sarah El Haïry : "La prostitution des mineurs reste un tabou qu’il faut briser"

Sarah El Haïry

La ministre chargée de l’Enfance, de la Jeunesse et des Familles, Sarah El Haïry, développe de nouvelles mesures au Figaro pour muscler la lutte contre la prostitution des mineurs.

LE FIGARO.- En 2021, on estimait que 7 000 à 10 000 mineurs se prostituaient en France. Quelle est l’ampleur du phénomène aujourd’hui ?

SARAH EL HAÏRY.- Il s’agit d’une estimation basse car la prostitution des mineurs reste un sujet malaisant. Il est extrêmement difficile d’imaginer et d’admettre que des jeunes adolescents pratiquent des relations sexuelles tarifées. Une part du phénomène reste encore cachée et les chiffres sont sans doute bien plus élevés. Les filles entre 15 et 17 ans sont les plus concernées. Mais les plus jeunes, dès 12 ans, ne sont pas épargnées. On sait aussi que toutes les classes sociales, tous les territoires sont touchés.

La prostitution des mineurs a plusieurs visages. Elle peut prendre la forme d’exploitation et de traite des êtres humains dans des réseaux criminels très organisés. Mais il y a aussi d’autres formes de prostitution avec l’arrivée de « lover boys ». Ces faux petits copains, souvent rencontrés sur les réseaux sociaux, s’arrangent d’abord pour faire tomber amoureuses leurs victimes avant de se transformer en proxénètes. Les jeunes filles les présentent parfois à leur famille, à leurs amis et il devient très difficile, pour elles, de raconter la transformation de cette relation.

Le numérique a aussi joué un rôle d’accélérateur. Des plateformes comme OnlyFans exposent les enfants et les adolescents à une prostitution plus insidieuse qui commence par la vente de photos d’une partie de leur corps. Enfin, l’exposition de plus en plus précoce à la pornographie a transformé le regard des enfants et des adolescents. Cette hypersexualisation est un accélérateur du passage à l’acte. Une difficulté, c’est que ces jeunes ne se sentent pas en danger et ne se considèrent pas comme des victimes car leur regard sur la tarification des relations sexuelles est faussé. C’est pourquoi certains mineurs n’ont pas conscience d’être victimes de la prostitution ou n’emploient pas le mot. Mais, il s’agit bien d’enfants en danger, qu’ils en aient conscience ou pas. La responsabilité des adultes qui les entourent est d’autant plus importante.

Comment lutter contre le déni qui entoure ce phénomène ?

Il faut cesser de refuser de voir ce qui nous heurte. La prostitution des mineurs reste un tabou qu’il faut briser. Une nouvelle culture de la prévention doit voir le jour. C’est pourquoi le sujet de l’interdiction d’achat d’actes sexuels va être intégré aux séances d’éducation à la vie affective et sexuelle. Aujourd’hui, il est temps de parler aux enfants de ce nouveau danger. Certains mineurs considèrent que, quand la relation sexuelle donne lieu à des cadeaux - un téléphone, un sac de luxe… - ce n’est pas de la prostitution. Il faut les aider à prendre conscience de l’importance du respect de l’intégrité du corps.

Pour ce faire, nous lançons un appel à projets à destination des conseils départementaux pour appuyer les associations spécialisées dans cette sensibilisation. Il s’agit de former davantage de professionnels susceptibles de rencontrer les enfants pour leur parler de ces dangers. L’objectif est aussi qu’elles puissent intervenir auprès de publics plus vulnérables, comme les enfants de l’aide sociale à l’enfance ou de la protection judiciaire de la jeunesse.

La prise en charge de mineurs prostitués relève du casse-tête alors que nombre de ces derniers ne se considèrent pas comme victimes…

Le nouveau plan prévoit la constitution d’un réseau de refuges pour les jeunes victimes. Ils seront financés à hauteur de 3 millions d’euros sur trois ans grâce à ce nouveau plan. Cet éloignement est un vrai enjeu car il faut éviter que l’enfant fasse des fugues à répétition et faire en sorte qu’il puisse sortir de l’engrenage de la prostitution. Ces lieux d’accueil permettront d’éloigner les mineurs de leur environnement, lover boys ou proxénètes. Ils devront être sécurisés par les forces de l’ordre. Un mineur qui se prostitue est d’abord un enfant en danger, victime de violences physiques, et qui peut souffrir de psychotraumatismes. Dans ces lieux, une prise en charge spécifique sera également proposée.

(...)

Comment épauler les parents et les professionnels de l’enfance qui se sentent démunis ?

Le meilleur bouclier contre la prostitution des mineurs, c’est le dialogue, la confiance, la vigilance. Pour encourager les signalements de situations à risque, au moindre doute, il faut sensibiliser très largement. Nous allons relancer la campagne Je gère !, lancée en 2022, qui permet d’engager la discussion et d’alerter. Les parents doivent être aidés à déceler des changements de comportements, de fréquentations amicales, à pouvoir s’alerter en cas d’arrivée soudaine de cadeaux luxueux.

Tous ces signaux faibles sont autant de premières alertes qu’il faut apprendre à connaître. Les fugues ont été identifiées comme un des principaux facteurs de risque. Quand un adolescent quitte sa maison ou son foyer, parfois lors d’escapades à répétition, on sait qu’il a un risque accru d’être exposé à la prostitution et aspiré dans des réseaux. Enfin, pour mieux épauler les parents comme les professionnels, des experts spécialisés de lutte contre la prostitution des mineurs ont intégré l’année dernière une section du 119 (service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger).

 

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